Culte des pierres
En 538 le synode d’Auxerre stigmatise ceux qui rendent un culte aux fontaines, aux bois et aux pierres.
Voilà qui naturellement va éveiller notre attention.
Bien mystérieux est ce culte des pierres maintes fois interdit par le christianisme.
Une brève recherche montre qu’il s’agit là d’un culte universellement répandu puisqu’il fera l’objet
d’interdictions également au moyen orient.
Ces interdictions sont autant d’indices qui nous laissent supposer que les cultes naturalistes faisaient
partie intégrante des religions païennes. Reste à savoir si ce culte était représentatif de l’ensemble des
croyances ou s’il n’en constituait qu’une partie . Peut être lié à la troisième fonction ?
Pierres levées , rochers « marqués » ou rochers zoomorphes , pierres à cupules, sont souvent l’objet de
folklore.
Il s’agit toujours de pierres remarquables par leur forme ou leur origine.
La toponymie reflétant souvent l’intérêt qu’elles suscitaient.
Il est assez peu de régions qui soient totalement exemptes de « pierres à légendes ».
Et bien que beaucoup aient été détruites, déplacées ou recouvertes par des monuments plus récents il reste
encore beaucoup de lieux propices à célébrer les anciens cultes.
Certaines pierres levées, surtout lorsqu’elle sont isolées font penser à des silhouettes humaines.
Il suffit de les aborder un jour de brume ou avec un certain éclairage pour qu’apparaissent une fée,
une Dame ou un moine…
Certaines légendes parlent de personnages pétrifiés, ou de gardiens de pierre .
Parfois les rochers prennent la forme d’un animal. Serpents, hiboux, dragons ne sont pas rares.
Et sur certaines montagnes comme le Taenchel en Alsace les sentiers nous mènent à la découverte d’un
véritable bestiaire fantastique.
Lorsque les pierres sont réunies on évoque des « causeuses » , des réunions de commères, et parfois
des amants au destin tragique.
Plus nombreux encore et voilà des moines punis pour avoir commis des fautes ou des guerriers
pétrifiés par on ne sait quelle magie.
Les traditions populaires se perdent en conjonctures sur la présence de ces pierres « sacrées ».
Ici la ruine d’une ancienne citée, là une bataille de géants, là encore le passage de Gargantua ou de Mélusine.
Citée des fées, séjour des esprits, porte vers l’autre monde. Voilà qui explique le respect mêlé
de crainte dont font l’objet certains de ces sites. Il suffit parfois de s’y promener à la tombée
de la nuit pour y faire d’étranges rencontres.
Si la tradition associe certains phénomènes curieux à toutes ces pierres, c’est que l’impression
qui s’en dégage est souvent forte. L’énergie des lieux combinée à une position souvent reculée en
font des lieux de « re-liance » particulièrement appréciés.
Les Esprits « féeriques » sont particulièrement nombreux à proximité de ces endroits. Et on les surprend
régulièrement à vaquer à leurs occupations domestiques. Ici elle allument des feux pour se chauffer, là
elles recueillent l’eau dans des cupules. La porte de leur royaume n’est pas loin. Et si on croit les
voir laver du linge ou faire des ablutions c’est peut être en référence aux rites de purifications qui
pouvaient avoir lieu en ces endroits.
Certaines croyances font état de pierres germes plantées en Terre et ayant « poussé » pour produire des blocs
mystérieux. Ces pierres conserveraient leurs vertus « germinatives » tant que leurs « racines » seraient
en place. De là à expliquer les rites de fertilité qui ont lieu sur certaines de ces pierres il n’y a
qu’un pas. Les modernes parlent d’énergie tellurique là où les anciens parlaient de « magie » mais les
choses se rejoignent souvent. Et une pierre « habitée » est aussi une pierre » vivante ». Un symbolisme
comparable dans l’est de la France où certaines pierres sont réputées être à l’origine des naissances
de la région. Ainsi est il bien connu que tous les enfants de la région de Remiremont ( dans les Vosges)
naissent de la Pierre de Kerlinkin.
Un monolithe impressionnant qui semble avoir été un lieu de culte antique.
D’autres pierres dites pierres à « glissades » ont le pouvoir de guérir la stérilité de certaines femmes
en mal d’enfant. Il suffit qu’elles glissent « à nu « sur tel rocher ou tel menhir pour être certaines d’êtres mères rapidement.
Le nom de certains rochers, comme ici le Sattelfels dit bien l’usage qui pouvait être le sien.
Le folklore décrit d’autres propriétés de certaines de ces pierres. Donc celle de se mouvoir. Ainsi, à certaines périodes
de l’année, des pierres se déplacent, « vont boire à la rivière », laissant à découvert et pour un instant les trésors qu’elles recouvraient
Ces blocs « erratiques » sont ils d’anciennes pierres à ordalie, ou accomplissent ils un dessein dont nous ne savons plus rien ?
Cette mobilité est elle comme le prétend Sébillot liée à la mobilité de leur ombre portée ?
Toujours est il que l’on a gardé le souvenir de pierres qui dansent, de pierres qui tournent…
Alors, le culte des pierres ?
Même s’il est acquis que les mégalithes sont antérieurs à la présence des populations dites celtiques, il est probable que ces populations
respectaient et honoraient d’une certaine manière, ces rochers aux formes parfois étranges, habités par des êtres surnaturels desquels ils
tiraient leur pouvoirs souvent mystérieux.
Des multiples traditions qui nous sont parvenues nous pouvons nous faire une idée de ce qu’aurait pu être ce culte des pierres si important
que de multiples interdictions des autorités ecclésiastiques ne parviendront pas à effacer complètement.
Nos parents contaient des histoires de fées et d’esprits résidant dans les pierres. Le rituel bien mené, permettant d’en obtenir quelque faveur.
Le contact avec la pierre est bien évidemment la forme la plus immédiate de rituel. Il s’agit simplement d’entrer en contact avec le
mégalithe ou d’y effectuer des glissades pour bénéficier de ses vertus.
Le caractère éminemment phallique de certains menhirs isolés y est peut être pour quelque chose mais l’expérience montre que le caractère
de certaines pierres à glissades prête assez peu à une interprétation freudienne.
Les glissades répétées depuis la nuit des temps finissent d’ailleurs à marquer profondément le roc et attestent de la persistance de ces rites.
Parfois il était recommandé de laisser une petite offrande après la glissade
Le contact avec les pierre était sans doute destiné à augmenter l’énergie vitale de ceux qui s’y adonnaient et donc la santé, la vigueur, la fécondité
Ainsi la coutume qui veut que pour guérir un enfant on doit le placer dans une anfractuosité du rocher. Faire une courte « dédicace » puis effectuer une offrande aux « esprits du rocher ».
Quelle offrande ?
Les usages diffèrent mais il est souvent question de nourriture, d’huile ou de corps gras. Parfois de petits ex-voto en bois. Certains modernes font usage de cristaux,
de croix tressées ou très simplement de fleurs.
Il est un autre type de roche à faire l’objet de pratiques traditionnelles ce sont les pierres à cupules ou à empreintes.
Rochers à bassins, pierres à sacrifice, miroirs célestes, cuveau des fées. On attribue d’ailleurs à l’eau qui est retenue dans ces réceptacles un pouvoir de guérison équivalent à celui
de certaines fontaines sacrées.
On recueillait le précieux liquide pour le boire, l’utiliser pour la protection. On y faisait macérer des préparations médicinales, à certaines heures ( entre le coucher et le lever du Soleil )
ou certaines époques ( St Jean..). On y trempait le linge de certains malades comme cela se fait dans les sources guérisseuses.
On mélangeait parfois à cette eau des parcelles de pierre. Cumulant par le fait les vertus de l’eau et de la pierre. Ou, pour s’exprimer de façon plus actuelle : en renforçant la « mémoire
vibratoire de l’eau « par le témoin «pierre».
Cette eau est d’origine céleste, elle n’a jamais touché la Terre et porte encore l’empreinte des astres et du ciel.
La cupule évoquant naturellement le symbolisme maternel. Il n’est pas étonnant alors que cette eau, au confluent des influences ouraniennes et chtoniennes soit dotée de pouvoirs particuliers.
Lorsque les creux dans les rochers prennent des formes remarquables on parle d’empreintes, de pas. Ici c’est un cheval ou un âne qui a laissé l’emprunte de son sabot. Ici un « diable », ici
encore un personnage célèbre. Saint ou Roi.
Cachées sous ces oripeaux se tiennent vraisemblablement d’anciennes croyances.
La plupart des rituels anciens reposent sur une même logique. L’usage de ces empreintes doit être conforme à leur aspect. Ainsi mettre le pied dans un « pas » nous met en contact avec l’énergie du lieu.
On peut par ce rituel affirmer un pouvoir, prêter serment, se guérir.
Lorsque les rochers prennent la forme d’un siège, il suffit de s’asseoir dessus pour bénéficier des influences du lieu.
Pour qui a développé une certaine forme de sensibilité, il est assez aisé de constater que les rituels anciens ne s’adressent pas à une matière inerte.
Nous parlons d’énergie, là où les anciens évoquent les « esprits » mais au fond l’un et l’autre constatent qu’il se passe quelque chose à l’approche de certaines pierres.
Ici nous nous sentons plus légers, plus inspirés. Là au contraire nous nous sentons fatigués, ou sommes mal à l’aise. Comme si notre énergie vitale se trouvait affectée
par la présence de certains « blocs ». Il suffit pour l’expérimenter de s’approcher d’une de ces pierres, avec respect et « écoute » et de sentir. Telle pierre sera ceinte
de plusieurs cercles, telle autre sera « polarisée », chaude ou froide, humide ou sèche… Peut-être sentirons nous une respiration, une pulsation au contact direct d’un menhir ?
Nous pourrons aussi nous asseoir ou nous allonger sous un dolmen pour « entendre » ce qu’ils ont à nous dire. Et comprendre par l’expérimentation comment l’orientation, la
position, la forme d’une pierre peuvent influer sur son caractère.
Cultes anciens, pratiques modernes… S’il s’avère que de tout temps l’Homme debout, l’Enfant de la Terre, s’est rapproché des pierres, il n’est aucune raison pour que nous,
ici et maintenant, les négligions !