Culte des eaux
Il existe de nombreux indices, à la fois matériels et folkloriques de la persistance à travers les âges d'un
culte de l'eau. Un culte attesté depuis l'antiquité comme en témoignent les nombreux ex voto retrouvés dans
les sources ici et là comme par exemple dans les sources de Sequana.
Les offrandes recueillies dans ces sources laissent penser que les sources ont de tout temps été considérées
comme des lieux remarquables où pouvaient s'opérer les guérisons.
Nous retrouvons ainsi des dépôts de silex qui attestent de l'antiquité des pratiques et pouvons constater
encore de nos jours que les sources gardent encore un caractère sacré pour la religion catholique.
L'exemple le plus frappant de la persistance de pratiques païennes au sein de l'église catholique
étant Lourdes et sa source « miraculeuse ». Il en est d'autres comme la source de Ste Odile en Alsace
ou encore les nombreuses sources ici et là placées sous le patronage d'un saint dont les attributs
semblent parfois plaquées pour l'occasion.
Lorsqu'on s'intéresse aux rites qui accompagnent les « pèlerinages » actuels, on remarque de nombreuses
similitudes entre les différentes prescription actuelles et anciennes.
L'étude des « moments » privilégiés où les sources sont réputées avoir le plus grand pouvoir est
également plein d'intérêt.
Parmi les hypothèses avancées, les dates de pèlerinages correspondraient à d'anciennes prescriptions
opératoires et aux moments où les configurations saisonnières seraient les plus favorables pour obtenir
les résultats attendus.
Ainsi l’eau du nouvel an ou du solstice est réputée pour son efficacité et l’on prescrit parfois de
« se rendre au ruisseau et prendre de l'eau au rebours du courant, juste avant le lever du soleil".
Un autre pratique qui persiste de nos jours est la très vieille coutume de laisser dans les sources
et puits des objets métalliques.
Le geste de jeter une pièce de monnaie dans l'eau pour faire un voeux ou pour porter bonheur est
probablement le même que celui que faisait nos ancêtres. Même si nous en avons perdu une part du sens.
Les archéologues qui curent les fontaines rencontrent souvent des ustensiles de toilette féminine
comme les épingles. Ces dépôts couvrent là aussi une période très étendue puisqu'on trouve aussi
bien des épingles en os, en bronze jusqu'à celles composées d' alliages de la période moderne
La signification de ces « offrandes » métalliques est relativement bien connue des folkloristes.
Il s'agit souvent d'éloigner ou de prévenir les maladies ou le mauvais sort en faisant une offrande.
Cette croyance est assortie de celle où la maladie est transmise à ce qui est déposé dans l'eau et
qu'en conséquence, il serait risqué pour qui que ce soit de s'en emparer. Auquel cas, il
s'emparerait également de la maladie ou du mauvais sort attaché aux offrandes par les visiteurs.
Dans certains endroits, on se débarrasse encore de la maladie en l'enfermant dans une pierre,
un œuf ou d’autres supports comme des petits pois ( en cas de verrues). On jette ensuite ces
supports dans une fontaine qui se chargera de laver le mal : si tout est fait selon la tradition.
L'offrande d'accessoires féminins est semble t'il plus couramment liée aux affaires amoureuses.
« Des jeunes personnes vont jeter une épingle dans une fontaine dédiée à Vénus, pour savoir si elles
seront mariées dans l'année.
Si l'épingle se précipite au fond sans reparaître, elle enfouit avec elle le plus doux espoir;
mais si elle reste à la surface de l'eau, c'est le signe enchanteur d'un prochain hyménée, et
les roses du plaisir s'épanouissent sur le front virginal de la jeune personne. »
Dans les Vosges, et dans plusieurs parties de la Haute-Bretagne, la jeune fille est assurée de se marier
dans l'année si l'épingle descend sans faire de tourbillon.
Les fontaines sont des lieux de dévotion, et de toutes une série de consultations plus ou moins entachées
de sorcellerie.
Ici ce sont les linges ou vêtements d’un malade que l’on trempe dans l’eau et dont le comportement
va présager de l’issue de la maladie, là ce sont des bougies que l’on utilise et qui selon leur
façon de brûler seront de bon ou mauvais augure.
La fontaines ou la source peut aussi apporter la jeunesse ou peut être plus exactement être
le miroir magique qui reflète la beauté de notre âme.
Parfois encore, elle peut donner lieu à des rituels plus complexes et peuvent déclencher l’orage, attirer
l’amour ou le faire oublier.
Nos ancêtres attribuaient des vertus surnaturelles aux eaux des fontaines et considéraient
qu’elles étaient sous la protection de divinités diverses.
Dans l’est de la France, nombreuses sont les dédicaces à Borvos/Grannos. Ailleurs les sources sont
placées sous la protection de divinités comme Sequana qui a donné son nom à la Seine.
On trouvera également de nombreux dépôts votifs dans les lacs. La Tène ou Toulouse pour ne citer qu’eux
accueilleront de véritables trésors dans leurs eaux. Pas étonnant alors que la légende parle de
trésors enfouis dans les lacs ou dans les puits.
Il ne faut pas négliger non plus le fait que le mythe fasse des puits et des fontaines une porte
vers l’Autre Monde. Le Monde du dessous, royaume des morts, des ancêtres mais aussi royaume contenant
d’immenses richesses.
Ainsi dans les côtes d’Armor on parle de puits au fond duquel se trouve une porte ouvrant sur un
monde souterrain aux immenses richesses. C’est par un puit semblable qu’en Alsace on se rend dans
le royaume de Frau Holle. Une Dame Blanche mais aussi une vieille sorcière.
Mais que l’on ne s’imagine pas que ces trésors soient à portés de mains. Il sont sous la surveillance
des êtres de l’autre Monde et malheur à qui ne remplit pas les conditions pour y pénétrer.
Mieux vaut alors se concilier les faveurs des fées en faisant des offrandes de pain ou de vin ou
encore en jetant une poignée de sel dans l’eau pour se concilier leurs faveurs.
Peut être même feront elles un cadeau en échange, sous forme d’or ou de quelque objet magique.
Nous connaissons les mythes liés aux Dames du Lac ou Dames de la fontaine symboles de la souveraineté
ou de la royauté. Les Rois ou chevaliers se battent pour elles et parfois en reçoivent leurs armes
ou leur royaume.
Ces mythes sont ils l’expression de mythes plus ancien où le Dieu de la saison sombre et celui de
la saison claire se battent pour les faveurs de la Grande Déesse Reine ?
On connaît également les légendes de Mélusine et de ces fées qui viennent parfois prendre un bain sur le
bord d’une rivière ou d’un puit. Parfois elles s’assoient sur la margelle ou la rive et se réchauffent
au Soleil.
La célèbre Vouivre, est un de ces être de l’autre Monde qui se montre à proximité des Eaux.
Et la légende dit le risque qu’il y a à convoiter l’escarboucle qu’il dépose en ces rares occasions.
Terminons en rappelant le caractère profondément magique et initiatique des gués, des ponts et d’une
manière générale de tous les passages entre les rives.
L’histoire de Cuchulain, où les romans Arthuriens abondent dans ces récits où le héros doit franchir
un gué, ou un pont pour accéder à l’autre Monde. Parfois comme Cuchulain c’est l’endroit du gué qui
est choisi pour mener bataille.
Le personnage du passeur pourrait à lui seul constituer un sujet d’étude et de réflexion tant son
symbolisme est riche.
Comment ne pas évoquer pour finir le caractère très particulier de l’eau. Qui crée et porte la vie.
Depuis la naissance jusqu’à la mort.
Certains légendes font naître les enfants d’une source et on connaît aussi les légendes liées aux
îles lointaines, séjour paradisiaque des morts. Cycle de la vie, cycle de l'eau, cycle des saisons...