Altitona, Bosquet Druidique


En de sombres demeures
Résident les semences d’hier
Attendant leur heure
Pour sortir de Terre

Altitona

Les cavernes, les grottes et par extension les tertres mégalithiques sont probablement parmi les plus anciens lieux de culte de l’Humanité.

Presque aucune région n’est dénuée de ces sanctuaires souterrains quoique ce soit le sud ouest qui remporte la palme dans le domaine.

Il y a quelques années encore, on croyait que nos ancêtres décoraient les parois de grottes « habitats » sans doute dans un élan naïf de représentation.

Depuis on sait que ces lieux souterrains ne doivent plus être considérés comme des lieux d’habitation mais comme des lieux de culte et/ou d’initiation.

Des chercheurs comme Jean Clottes voient dans l’art rupestre la manifestation d’une religion chamanique. Une façon de matérialiser une vision, un voyage de l’âme dans le monde du dessous.

La typologie des peintures rupestres ainsi que les traces retrouvées laissent en effet penser que ces lieux étaient aussi fréquentés par les adolescents de la préhistoire. Ce qui fait en effet penser à des rites de passage ou d’initiation.
De vieilles coutumes populaires reproduisent d’ailleurs un schéma analogue lorsque l‘on fait passer des enfants, des bêtes par un couloir souterrain étroit ou encore par des trous dans une pierre, un mur, un mégalithe…

Cette pratique était destinée à guérir les enfants de la fièvre, de la colique… Et parfois à titre prophylactique pour empêcher la maladie de trouver sur les Hommes ou les bêtes.

Plus tardivement les textes mythologiques irlandais suggèrent que les tertres sont les résidences des Dieux après qu’ils aient laissé la jouissance de la Terre aux Hommes. Peut on voir dans cette croyance la persistance des mythes anciens, la transmission d’une Tradition, d’un héritage de populations préceltiques ou le réemploi de certains lieux de nature à évoquer certains principes « archétypaux » ? Ces lieux sacrés constitués par les Tertres sont à la fois des lieux de sépulture et des lieux de vie. L’une étant indissociable de l’autre et les frontières perméables à certains moments privilégiés comme Samonios.
L’autre monde, le monde des morts, des Dieux est un monde hors du temps peut être parce que le rythme des jours et des nuits n’y a plus cours. Un monde de paix. Ce qui semble d’ailleurs être le sens du mot Sidh.
On s’y retrouve face à soi même dans une sorte d’isolement sensoriel propice à la méditation et à la vision.

Mais cette relation à soi même n’est pas obligatoirement de tout repos. Dans l’Obscur de la caverne jaillissent nos peurs, nos fantasmes, nos illusions. Ce qui se déroule en bas, c’est peut être ce qui se joue sur la scène de notre inconscient.
La caverne est l’antre des Fées, celui des gnomes et autres créatures de la Terre. Les dragons y résident, comme les vieux sages. Au contact avec les entrailles de la Mère. Pas étonnant alors que le symbolisme de la caverne soit double, à la fois porteur de vie et de mort, d’Ombre et de Lumière.

Les drames qui s’y jouent ont une portée spirituelle et au sens propre comme au sens symbolique, la caverne est un chaudron, une matrice où les âmes meurent et renaissent.
Car pénétrer dans la terre, entrer dans une caverne c’est retourner dans le sein maternel On en renaît transformé. En Dieu, en héros, en sage… Ou tout simplement en Homme véritable. Celui qui assume sa naissance de façon consciente.

Souvent la caverne, le monde souterrain sont liés à l’eau. L’eau de vie, l’eau de mémoire. Andunna, celle du dessous, celle qui sortira plus loin, plus tard, au grand jour après avoir digéré l’âme des ancêtres ou les énergies de la Mère.

L’eau d’en bas est une eau sacrée. Elle porte en elle les pouvoirs du Monde souterrain. Elle s’écoule sous les racines, sous les tombes, sur les parois quasi organiques de la grotte.
L’eau baigne ce réceptacle d’énergie tellurique qu’est la grotte et sans doute en tire ses vertus.
L’eau est aussi un des moyens privilégiés pour entrer au contact du monde du Sidh. Et maintes légendes contées ici et là parlent de Dames Blanches résidant dans un royaume souterrain auquel on accède par un puit, par une rivière ou par un lac. Frau Holle que l’on connaît bien dans nos régions est une de ces dames.

Car la grotte est aussi un lieu où se concentrent les souffles. Ceux de la vouivre à la fois bienfaisant et délétères. Car ici Ombre et Lumière participent à la grande ronde de la vie.

Là, sous l’effet de ces énergies subtiles et dans le secret, s’opèrent les changements, les transformations. Et chaque caverne a-t-elle son souffle particulier, lié à l’esprit du lieu, lié aux courants qui la parcourent. L’Homme y descend « nu » comme un bébé car il doit abandonner une partie de soi-même pour pouvoir renaître et boire à la source d’eau vive qui jailli un peu plus loin.

On retrouve trace de ces rites en bien des endroits, à diverses époques. C’est de sous terre que renaissent les Hommes. Des légendes tenaces parlent de grottes ou de rochers où naissent les enfants d’une région. Ici ce sont les portes par lesquelles passent les fées ou les bonnes Dames. Ici c’est une Dame blanche qui a élu domicile. L’entrée de son royaume est une grotte ou un puit.
Parfois à la grotte répond un dôme, une colline, un tertre souligné par une pierre sacrée. Point de jonction entre les énergies telluriques et les énergies cosmiques.

Ronde, danse des Dieux et des Hommes. Lieu de rencontres sacrées.

Les rituels d’ensevelissement répondent peut être à la préoccupation majeure de l’humanité. Celle liée au cycle vie/mort. Le mort confié à la Terre est remis dans le sein de la Mère. Comme une graine endormie en attendant d’être éveillée. Par le grand éveilleur, par le Feu du ciel, par le Père, le serpent, le Dragon ?

Le chaman de la préhistoire qui entre dans la grotte voit derrière les parois luisantes ses frères animaux ou humains... Toute la vie « potentielle » qui un jour se manifestera à la surface. Les marques de mains sur les parois sont comme des tentatives pour « toucher » les âmes à travers la mince mais pourtant solide paroi qui isole l’autre monde du monde du jour. Ce qui se déroule en bas c’est le grand mystère. Peut être le plus grand mystère.

Les Druides avaient sans doute du monde souterrain des conceptions proches de celles-ci.

L’étude de stèles funéraires est intéressante à ce titre.

On y retrouve la grotte, l’entrée symbolique au Monde des Morts. L’ouverture étroite par laquelle l’âme passera ou renaîtra. L’ouverture par laquelle le vivant pourra communiquer avec le mort. Par les offrandes, par les libations, le souffle ou la prière.

On y trouve la forme de la maison. La résidence de l’âme. Substitut à la matrice. La maison avec sa base solide au contact du sol et son toit au contact du ciel. Une antenne propre à recevoir les énergies du Père.

Les récits abondent où le héros, futur « initié », doit se rendre dans le monde souterrain, y rencontrer le dragon ou le gardien ( l’ombre), y chercher une âme perdue dans le Monde des morts ( le Soi ? Les contenus inconscients ? ) et la ramener à la Lumière (lui donner le jour ).

Nous retrouvons le schéma de ce que Jung appellerait le processus d’individuation. La cavité naturelle ou artificielle est bien l’archétype de la matrice maternelle. Dans la caverne, le processus de génération naissance n’est pas celui du « profane ». La caverne n’est pas la Mère de chair, c’est la Mère Terre, la Déesse. Pas étonnant alors à ce que l’être qui en résulte soit un Homme marqué du signe des Dieux. Un "deux fois né". Car il ne s’agit pas de renouer avec une naissance ordinaire mais bien de mourir pour s’élever ensuite au niveau des archétypes.

Mais ce processus de « retour aux sources » ne se limite pas à l’initiation. Certains lieux « sacrés » étaient dans l’antiquité réputés pour leur capacité à guérir. On y pratiquait l’incubation. C'est-à-dire que le malade descendait sous terre, dans la crypte, la grotte et y passait quelque temps, parfois plusieurs jours jusqu’à avoir une vision, un signe ou plus prosaïquement obtenir la guérison. Souvent ces lieux étaient liés à des sources guérisseuses. Nous retrouvons la synergie Terre/ Eau. Ainsi sur le site de Grand nous avions une pratique attestée d’incubation et un réseau de canalisations souterraines très élaboré qui conduisait les eaux sacrées en un point unique à présent situé sous l’église.

La Nature karstique du terrain entraîne d’ailleurs des phénomènes assez intéressants qui ont dû « interpeller nos ancêtres.
« Quand il pleut, l’eau collectée par le système karstique jaillit en source, emplit une première dépression, se déverse dans une seconde, puis disparaît dans une diaclase reprenant une circulation souterraine »

Notons qu’une des dolines de ce système est appelée « source des fées » ! C’est dire la relation étroite entre les eaux, le monde souterrain et le peuple de l’autre monde.

Un rite ancien encore pratiqué ici et là il y a quelques années consistait à faire passer le malade par un trou humide dans le sol. Il en ressortait maculé de boue. Lavé et débarrassé de cette boue le malade était en quelque sorte lavé de sa maladie. Nous retrouvons dans ce rite le coté guérisseur de la Terre, et l’action de l’eau.

La où la Mère se tient est le lieu de tous les possibles. Un ventre qui enfante et guérit.
Dans la grotte se cachent les trésors, toujours convoités, rarement découverts.
Pour quelques uns ces trésors sont ceux de l’intégrité.
La caverne est l’antre gardé par le dragon. Un lieu aux frontières du chaos qui seul peut offrir la possibilité du changement

L’entrée dans la caverne initiatique ne peut se faire qu’en certaines conditions. Il est ici question de vie/mort, pas de tourisme et gare à celui qui méprisera le dragon... Alors il faut se débarrasser des apparences, des faux semblant, être nus en quelque sorte. Accepter ensuite d’affronter nos propres terreurs puis ayant atteint la frontière des possibles, être prêts au changement et revenir animé d’un nouveau souffle.

Bien d’autres choses sont à dire sur les cavernes et sur leurs associations. On a retrouvé dans certaines cavernes sépultures des « massacres » de cerf comme ici près de Gorze en Lorraine. Celui-ci était dans la sépulture d’un enfant du néolithique. Sans doute un gage pour l’au-delà, l’en dessous ?

Difficile pour nous de ne pas penser au « Grand Cornu » Maître des animaux, y compris humains.
Maître de la vie et de la renaissance.

Mais c’est un autre sujet...